Joachim Murat est bien connu des amoureux de l'Empire ou de
l'idéal romantique : cavalier émérite, épicurien affirmé, collectionneur
d'uniformes baroques, le maréchal aura pu se flatter d'apparaître
comme la face flamboyante d'un Napoléon plus terne. Dès le moment
où sa route croise celle de Bonaparte, tout semble le pousser vers une
irrésistible ascension : la campagne d'Italie, puis celle d'Egypte, son
mariage avec Caroline Bonaparte, le proconsulat italien, les brillantes
campagnes qui portent la guerre à son apothéose et, enfin, la couronne
royale de Naples.
Pourtant, derrière la grandeur des tableaux de Gros, Murat n'est pas
sans afficher quelques contradictions : si l'instinct de la gloire le mène
à réaliser des prouesses sur les champs de bataille, il épouse ensuite
les querelles d'hommes politiques qui ne le manipulent que trop
bien. L'esprit d'analyse a souvent manqué à cet homme jeune, droit
et rigoureux, tout entier voué à la guerre, mais à une guerre d'essence
noble, privilégiant la surprise et le mouvement à la destruction et aux
horreurs, Murat apparaît parfois comme égaré dans les méandres de
son temps, chevalier à la tête d'immenses armées lorsque tout son
être tend vers l'exploit individuel. La grandeur, la gloire et l'ambition
ont eu raison d'une conscience fragile, tout entière placée dans la
dépendance du grand homme de son époque, dont il tentera en vain
de s'émanciper.
L'on voit alors combien le fils de laboureurs du Quercy s'est élevé pour
gagner une dimension historique. La légende lui ayant conféré une
stature de héros, Vincent Haegele propose ici de retrouver la mesure
de cet homme contrasté mais fascinant.