Museum Verbum
Ce récit lacunaire propose, au hasard de ses blancs, ce qui resterait d'une fable d'inspiration cosmique après l'explosion de ses codes sous la poussée des sciences cognitives. S'il s'inscrit dans une tradition où « la visite au musée » est devenue topos de romans et de films, à peine entrevu dans la pseudo-histoire policière et le journal de bord d'un faux savant, il déploie la pensée hallucinée d'un écrivain dont la raison bascule le jour où il entreprend d'interroger la parenté mathématique qui relierait sa démarche créatrice à la création de l'univers.
Voici le narrateur lancé dans la quête scientifique d'une origine de ses oeuvres, le conduisant à découvrir sous des formules algébriques des sources qu'il estimait jusqu'alors symboliques. Mais à démasquer le leurre de la mémoire, du savoir, de l'expérience émotionnelle, le pragmatisme laisse - ou gagne - des plumes.
Au terme de ce jeu de massacre, bien des pratiques narratives s'exploitent et s'escamotent. La dérision triomphe de l'aventure qui fait long feu aussitôt qu'amorcée, pour faire de cette fiction des fictions le rêve ou le cauchemar d'une démarche qui alignerait volontiers le culturel et le vital.
Mais chemin faisant, ce va et vient entre les réalités paniques du musée et les doubles imaginaires d'un créateur égaré parmi des astres désastreux, n'éveille-t-il pas le mirage d'un univers textuel en expansion, chaque fois traversé par quelque météore éteint, dans le ciel immuable des livres ?