Comme la plupart de ses tragiques esperpentos, qui, du vivant de Ramón del Valle-Inclán (1866-1936), lui ont valu une grande renommée, mais ne sont arrivées sur scène que bien plus tard, ces deux « mystères pour silhouettes » (autos, en résonnance avec le théâtre religieux ancien, le théâtre d'ombres, les pièces pour marionnettes) donnent une vision tragique du destin des personnages, des plus humbles aux plus infâmes, confrontés tous à quelque chose qui les dépasse, sans pour autant abandonner le terrain du comique, dans un mélange ironique et grotesque qui suit la tradition de Goya et de Cervantès.
Valle-Inclán s'inscrit dans un courant symboliste de rénovation théâtrale par le recours à des tonalités de langages en rupture. La langue de ses oeuvres est physique, rythmique, riche en registres, pratiquée comme un immense terrain de jeu par l'utilisation permanente des jargons marginaux, de la langue populaire, des archaïsmes ou des néologismes mais, surtout, par l'incarnation sans faille de l'action dramatique dans la parole. Le langage de Valle-Inclán, sans doute le plus téméraire de son temps, est sa plus grande réussite.