Nagona (nom de la femme-antilope - 1990) et Mzingile (« Le Labyrinthe » - 1991) sont deux récits initiatiques, construits sur le même modèle que Kaïdara, célèbre récit d'Amadou Hampaté Ba. Le premier raconte une sorte de chasse spirituelle d'une mystérieuse femme-antilope nommée Nagona. Cette quête est la traversée hallucinée d'un monde déréglé, en proie à une tourmente apocalyptique, traversé de traumatismes politiques, religieux et sociaux. L'effondrement du monde est à l'horizon de ce premier volet du diptyque.
Le protagoniste du second récit entreprend un voyage pour délivrer un message au Dieu-créateur, un vieillard désabusé qui ne veut plus rien entendre, et revient dans son village après le « grand effondrement », dans un territoire totalement dévasté, où la vie semble vouloir reprendre, peut-être sur de nouvelles bases.
Ces deux romans sont le meilleur exemple du croisement des genres par lequel Euphrase Kezilahabi accueille toutes les réalités : à la fois romans populaires, inspirés de la mythologie des îles Ukerewe, sur le lac Victoria, contes philosophiques, contes merveilleux pour enfants et nouvelles fantastiques. Plus que jamais, dans ces derniers textes, Kezilahabi s'interroge sur le statut de la société humaine, sur sa place dans l'ordre ou le désordre du monde.