La loi du 25 mars 1919 définit la convention collective comme une catégorie nouvelle du droit. Vingt années de débats ont permis de surmonter les limites de l'institution syndicale dans l'élaboration d'accords collectifs, à travers une réflexion large sur le contrat de travail. Partant de la grève comme fait majeur du mouvement ouvrier en France, la convention collective introduit le principe d'une représentation élective des travailleurs et confère ainsi une valeur juridique claire aux accords conclus à l'issue de conflits menés, fréquemment, en dehors de toute présence syndicale.
Cet ouvrage se fonde sur le matériau juridique accumulé pendant le processus d'élaboration de cette catégorie légale, pour en retracer la dynamique. Une présentation de la configuration sociale, dans ses aspects institutionnels et économiques, précède l'analyse des débats entre juristes et à la Chambre. La jurisprudence est ici un instrument précieux pour rendre compte de la diversité des activités économiques et des luttes sociales. Le droit y apparaît moins comme le résultat d'une histoire sociale linéaire que comme un outil pour l'expression de revendications ouvrières dans des contextes productifs spécifiques. Jurisprudence et débats font émerger une pluralité d'expériences et d'aménagements possibles, dont le législateur tirera la loi de 1919.
L'un des mérites de Naissance de la convention collective est de s'interroger sur l'apport d'une observation du travail juridique à la compréhension de la vie économique et sociale, dans toute sa diversité. Face aux tenants actuels d'une contractualisation des rapports sociaux, il rappelle le rôle structurant des lois de la République pour les syndicats et la négociation collective. Les méthodes de la sociologie du droit en action que propose Claude Didry ouvrent ainsi la voie à une histoire dialectique de la production des lois, liant les expériences juridiques singulières des acteurs économiques à l'activité du législateur.