Ouvrage de propagande pour certains historiens, hagiographie pour
d'autres, le Mémorial de Sainte-Hélène contient un message entièrement
redevable à Napoléon. Le texte n'a pas seulement un intérêt littéraire. En
effet, des historiens ont démontré que le Mémorial était une oeuvre dans
laquelle Napoléon exposait les grandes lignes d'une doctrine que l'on
appellera plus tard le bonapartisme. Toutefois, le caractère politique du
Mémorial reste méconnu. Napoléon y donne sa définition de la
Révolution française et de l'Empire. Il se montre aussi le défenseur de la
pensée libérale et l'initiateur des nationalités. Par ailleurs, il faut garder à
l'esprit que Napoléon est l'inspirateur du Mémorial, mais Las Cases en est
le rédacteur. Ainsi, il consigne quotidiennement les moindres faits et
gestes de l'Empereur. De plus, il n'est pas qu'un seul témoin oculaire de
sa déportation. Il nous décrit non seulement ses activités, mais aussi ses
pensées politiques. La particularité de la démarche de Las Cases tient du
moyen utilisé pour rendre compte de ce qu'il a vu. En mobilisant sa
mémoire, il cherche à atteindre une objectivité, même si, dans le temps,
il expose sa position personnelle. Par ce procédé, il entre dans un dispositif
de fabrication de l'histoire. C'est sur ce point que le travail mené par
Las Cases semble suspect à de nombreux historiens qui considèrent le
Mémorial comme un texte trop subjectif.
Pour analyser le message politique de Napoléon, nous avons utilisé
des méthodes d'investigations quantitatives et étudié le discours. Notre
travail a consisté à observer et interpréter le contexte linguistique de six
mots-concepts - patrie, nation, peuple, honneur, égalité et liberté - tout en
s'interrogeant sur le contenu des vocables. Par leurs intermédiaires, nous
nous sommes penchés sur deux thèmes essentiels du Mémorial : le sentiment
national et l'émergence d'une morale bonapartiste.