Par leur caractère toujours plus affirmé d'« exploration du langage », les textes de Nathalie Sarraute constituent pour l'analyse stylistique un objet d'élection. L'œuvre est gouvernée par une « idée fixe » d'essence dynamique : les tropismes, mouvements intérieurs qu'il s'agit d'exprimer par une « forme sensible ». Alors que la résistance opposée au langage par le « non-nommé » de l'expérience voue le discours à une référence opaque ou instable, la phrase se porte au secours du mot, déployée en un processus d'explication. Elle impose dans l'écrit une élasticité caractéristique de l'oral, s'affranchissant de la norme syntaxique pour mettre en scène un tropisme-phrase soumis aux déterminations pragmatiques de l'énonciation. La distension et la stratification de l'énoncé posent le problème de sa délimitation et de sa hiérarchisation : jusqu'à quel point y a-t-il phrase ? La perturbation de la linéarité fait saillir l'armature prédicative du discours, tandis que s'affiche le pouvoir structurant et signifiant de la ponctuation. L'écriture invente ainsi une prosodie susceptible de « capter cela, ce mouvement ».