Prendre l'expérience de vie consciente, et par conséquent notre puissance de vie dans le corps vécu et la conscience, comme « fil conducteur », telle est l'orientation de ce livre. Les analyses ici proposées visent à rendre manifeste le subtil tissage de sens qui relie subjectivité, corps vivant et univers.
La subjectivité n'est pas une tour d'ivoire, transcendance désincarnée, elle implique un rapport au corps vivant et à l'univers selon des modalités de sens qui tracent les lignes signifiantes de ce qu'exister corporellement veut dire. Comment s'étoffent les riches dimensions de notre vie subjective, affective et perceptive, réflexive et objective, pourquoi dessinent-elles aussi en retour notre impouvoir le plus propre, nos limites anthropologiques les plus intérieures, entre mélancolie et hypomanie, vacuité du sens et saturation du sens ? Questions encore : le problème psychophysique, la genèse de l'individuation psychique, les états valétudinaires de la pensée, la fonction de la perception, la question du changement et du mouvement réel des choses. Autant de thèmes qui se dénouent autrement en suivant ce « fil conducteur ».
Comme en miroir à ce premier moment, ce livre voudrait montrer l'effort extraordinaire de la pensée philosophique pour construire une idée de la nature corrélée au sens plurivoque de notre existence. Repensée à travers notre existence, la nature réacquiert une puissance multidimensionnelle, sans fracture ni fêlure : matière, vie et subjectivité ne s'y trouvent plus séparées mais communiquent dans leurs différences mêmes, dans un même plan de nature. Construire une idée unifiée de la nature sera l'ultime geste de la philosophie pour éviter l'immense péril de la modernité, ce face à face désastreux de la nature mécanisée et de la transcendance désincarnée, cette destruction du témoignage de l'expérience de vie dans notre vie humaine.