«L'être humain n'a pas inventé l'agriculture puis sauté et dansé de joie : il y fut amené petit à petit, contraint par la nécessité, et depuis il n'arrête pas de pester contre le labeur qu'elle exige.»
Au Néolithique déjà, l'agriculture représentait un ensemble de savoir-faire transmis depuis des temps immémoriaux au sein de populations de «proto-cultivateurs». Associées à la chasse et à la cueillette, ces pratiques sont à l'origine de l'extraordinaire succès écologique de l'espèce humaine ; elles permettent d'expliquer l'ampleur du carnage des grands mammifères au Pléistocène et, peut-être, la disparition des Néandertaliens : en cultivant la terre à leurs moments perdus, les hominidés étaient mieux à même d'assurer leur survie et d'agir sur l'environnement.
Suivant le fil de cette hypothèse, qui éclaire des faits longtemps restés mystérieux, Colin Tudge trouve des arguments convaincants pour interpréter à la manière d'un western l'affrontement entre «proto-fermiers» de Cro-Magnon et «bandits» néandertaliens, ou pour retrouver sous les eaux du golfe Persique le jardin d'Eden des chasseurs-cueilleurs, évincés du Paradis par la montée des eaux survenue à la fin de l'âge glaciaire.
Mais la révolution du Néolithique n'apparaît pas tant comme le fruit de circonstances particulières que comme l'inévitable conséquence du succès des premières pratiques agricoles. S'élevant avec force contre la représentation idyllique des travaux des champs, l'auteur soutient qu'il faut plutôt se demander pourquoi l'espèce entière s'est convertie à un mode de subsistance si manifestement inhumain. Nos ancêtres ont tout simplement été victimes de leur succès et entraînés dans un cercle vicieux qui les a condamnés à produire toujours davantage pour nourrir une population toujours croissante. Ce qui amène Colin Tudge à se demander s'il ne serait pas temps de retrouver les vertus de la fainéantise - une qualité que les chasseurs-cueilleurs partageaient avec les grands prédateurs.