Nietzsche a séjourné cinq fois à Nice ; lorsqu'il
quitte une dernière fois la ville, le 2 avril
1888, c'est pour sombrer quelques mois plus
tard dans la folie.
À Nice, il retrouve la lumière d'acier, sèche et
limpide, l'air «africain», la légèreté diététique,
l'alacrité de pensée, les courants alcyoniens.
Dans la librairie où il se rend régulièrement
pour provoquer le hasard, il lève peut-être la
tête du livre qu'il feuillette et croise le regard
d'un jeune homme aux yeux clairs, philosophe
lui aussi, aux thèmes et à l'écriture souvent étonnamment
proches des siens, en qui il pourrait
reconnaître son double.
De Jean-Marie Guyau, célèbre alors, et destiné
à disparaître quelques semaines plus tard, il
ne reste plus aujourd'hui que quelques traces
dans la mémoire des érudits, et l'ombre pâle
d'un penseur fiévreux, trop tôt happé par la
mort.