Courtisane de légende, comme sa chère amie Marion de Lorme, Ninon de Lenclos (1623-1705) traverse tout le siècle de Louis XIV et meurt octogénaire, encore adulée par les amants qui ont fait sa réputation, de Richelieu au Grand Condé, du duc de La Rochefoucauld aux marquis de Sévigné père et fils, en passant par une foule de maréchaux.
Fille unique d'un gentilhomme tourangeau athée et libertin devenu assassin, orpheline à vingt ans d'une mère dénuée de morale, elle fait vite le choix de compter sur des galants et les range avec humour en trois catégories : les « payeurs » - qui l'entretiennent -, les « martyrs » - ses soupirants sans espoir - et les « caprices » - ses amants de coeur comme le marquis de Villarceaux, qu'elle partage avec Mme de Maintenon. Mais sa liberté de moeurs et de langage dérange le parti tout-puissant des dévots. Enfermée un an au couvent par la reine, elle en sort pour transformer son hôtel particulier du 36 rue des Tournelles en salon : ses « cinq à neuf » du Marais réunissent ainsi le Tout-Paris littéraire, artistique et scientifique (Charles Perrault, Molière, Voltaire, Lully, Huygens) ainsi que les grands seigneurs de la Cour. Pour autant, Ninon, remarquable musicienne qui excelle au luth, n'est pas cette femme de lettres dépeinte par ses précédents biographes. C'est surtout une femme affranchie de toute convention sociale et de toute contrainte religieuse, indépendante financièrement, qui ne vécut que pour le plaisir - y compris homosexuel - et ne se maria point. Un portrait d'une femme épicurienne unique en son temps et d'un esprit rebelle, digne d'un roman de cape et d'épée.