Depuis que papa est mort, les
choses se sont compliquées. Sans
pouvoir vous expliquer exactement
pourquoi, j'ai arrêté de parler.
Plus un mot.
Plus un son.
Le silence total.
Les médecins disent à ma mère que
je vis un choc nerveux. Ils disent
que l'accident de papa m'a
traumatisée, qu'il faut prendre soin
de moi, qu'il faut me protéger. Je
dois "ré-apprivoiser mon environnement"
qu'ils disent, les médecins.
Moi, j'ai plutôt l'impression que
mon coeur s'est emballé.
Mon coeur-moteur roule à plein
régime parce que quelque chose le
pousse à fond : des milliers de
papillons volent à l'intérieur de
moi. Leurs ailes battent tellement
vite qu'elles finissent par
s'entremêler et ça fait comme un
gros noeud dans mon estomac. Un
gros noeud de papillons. Après, le
vertige me prend, mon souffle se
coupe, et tout tourne autour de
moi.
Amélie avait onze ans quand son
père est mort. Pour apprivoiser son
deuil, elle se réfugie dans le silence
et plonge, comme son père l'avait
fait à son âge, dans l'univers
passionnant de l'aviation.
Sur le babillard au-dessus de son
lit, le soir, elle épingle les photos
d'Amelia Earhart, de Charles
Lindbergh et de Léonard de Vinci.
Et elle imagine son père, enfant,
partageant sa passion avec sa
classe. Elle le revoit aussi, adulte,
cachant mal son dépit de n'avoir
pas pu devenir pilote...
En convoquant son père pour
raconter - à sa manière - la grande
histoire de l'aviation, Amélie
parvient à surmonter la douleur de
la perte et se découvre une
nouvelle passion : les papillons.