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« Sans le vélo, mon horizon n’aurait jamais dépassé la haie d’un champ, dans le Limousin. » Raymond Poulidor savait d’où il venait. Et il y revenait, toujours. Son port d’attache, Saint-Léonard-de-Noblat, se situe en plein cœur de la France. C’est un petit village niché sur le chemin de Compostelle où il a appris à traire les vaches de la ferme familiale mais où il a aussi acquis le bon sens du pays limousin, la sagesse, la patience, le travail bien fait. La casquette souvent de traviole mais les idées bien en place, l’éternel deuxième a couru quatorze Tours de France. Il paraît que les Français, en ce temps-là, n’aimaient pas tellement les gagnants, à la différence de ceux de maintenant. On était alors Anquetilistes ou Poulidoristes, une sorte de lutte des classes, même si l’un comme l’autre des deux antagonistes s’étaient présentés aussi démunis au départ de la vie. Ils auraient donc coupé la France en deux, mais c’est vite dit parce que dans toute sa ruralité d’alors, elle penchait quand même sacrément du côté de Poulidor. Il avait « percé » au temps des chanteurs yé-yé. Deux ans après Johnny, le voilà qui partait à son tour. Lui qui avait couru sous De Gaulle, Pompidou et Giscard s’en allait deux mois à peine après Chirac. Ceux qui ont grandi dans les années 1960 et 1970 n’avaient jamais connu un monde sans Poulidor. Mais ce n’est pas le souvenir des Tours d’enfance qui remuait en nous les nostalgies. Son exploit fut de ne jamais être vintage, mais intemporel. Tout changeait autour de nous et rien ne changeait tant qu’il était là. Lui restait le même. Au milieu de tout le chambard, quelque part, il était notre rassurance. « Poupou » s’était transmis de grand-père en petit-fils. Chacun pouvait se reconnaître en lui qui ne ressemblait à personne.