Écrire, mais comment et raconter, à quoi bon ?
Dans les récits qui composent Nos guerres indiennes,
Benoit Jeantet interroge, d'une séquence l'autre, ce qui
reste. Ce qui de tout demeure quand les blancs peu à
peu dévorent le continu des souveirs.
Vieillir. Avoir été. Avoir vécu. Le lisant, on entre dans
le geste de feuilleter un album d'images «flashback/flashforward».
On ne sait trop comment l'ordonner,
ni l'entendre, et pourtant entre les pages, la vie. Son
continu. Discontinué. Du présent se restitue, même
passé, ou manqué. Quoi qu'il arrive, on sait qu'il est
inévitable que les blancs l'emportent. Peu à peu, ils
percent et délavent en sépia de plus en plus pâles les
images. Celles où tous nous nous tenons. Mais «dans la
règle du jeu debout», on aura au moins retrouvé l'île de
Ré, la forêt, ses arbres, la réserve, la noyée que cherchait
la solitude aux bords d'une rivière, le vacarme des
boulevards, il/elle, ces aimé(e)s. Un peu d'éternité pliée,
et à force, percée. Transpercée. Quelque chose comme
d'une mélancolie, le sable du temps et ses éclats.
«À part ça, son truc ? La micronouvelle» dit l'un
des récits. Ce qui n'empêche pas le livre de construire
le continu multiple d'une écriture. Liée et rompue.
De celles qu'on ne quitte qu'à regret, une fois le livre
refermé sur sa question.