Au début du XIXe siècle, on « avait » la nostalgie comme on avait le typhus, et on en mourait souvent. Ce livre raconte l’histoire de cette émotion mortelle, depuis le premier diagnostic posé par un étudiant en médecine de Mulhouse le 22 juin 1688 jusqu’à sa disparition à la fin de la Belle Époque.
Si la nostalgie n’est plus ce qu’elle était, encore faudrait-il savoir ce qu’elle fut : désignée comme, littéralement, « mal du pays », brûlant désir de rentrer chez soi, la nostalgie touchait surtout les soldats, les colons, les esclaves ou les travailleurs migrants, tous expatriés à mesure que le monde s’élargissait, avec la conquête de nouveaux continents, les guerres impériales et l’expansion coloniale. Elle y fit parfois plus de morts que la violence des combats.
S’appuyant autant sur l’histoire de la médecine et de la psychiatrie, que sur les témoignages des conscrits napoléoniens ou les études sur la « nostalgie africaine » des colons français en Algérie, Thomas Dodman donne une profondeur historique à ce qui est aujourd’hui un sentiment bénin inhérent à l’espèce humaine. Effectivement, la nostalgie n’est plus ce qu’elle était, et sa transformation est aussi la question de l’historien : Pourquoi cesse-t-elle d’être une maladie ? Comment cette pathologie de l’espace est-elle devenue, au tournant du XXe siècle, recherche du temps perdu ? L’enquête ouvre alors des pistes pour comprendre les inquiétudes que suscitent la modernité, le cosmopolitisme et l’émergence d’un capitalisme bientôt triomphant.
Thomas Dodman est un historien franco-britannique, spécialiste de la France à l’époque moderne et de l’Empire, maître de conférences à l’Université de Columbia (New York). Il a co-dirigé Une histoire de la guerre, sous la direction de Bruno Cabanes (Seuil, 2018).