Accompagnant la mondialisation économique et l'accélération des mouvements
de populations, un dialogue transculturel s'est mis en place,
où chaque culture propose de faire exister ses valeurs auprès des autres
cultures. Dans ce dialogue, arts et esthétique opposent une résistance au
capitalisme mondial, qui tente d'imposer sa réduction à l'économique et
à la rentabilité. Ces recherches d'esthétique transculturelle refusent, elles
aussi, de réduire l'art et la culture à n'être que des biens de consommation et
entendent réactualiser la «valeur esprit» et la créativité qui y est en oeuvre.
L'anthropologie contemporaine du langage a découvert qu'une
dynamique transculturelle de dialogue était à la source de l'imagination
et des arts. Elle nous apprend donc que la créativité est inentamée par
la dynamique de concurrence économique et la guerre des cultures que
déclenche cette dernière. Encore s'impose-t-il de pouvoir affronter la
destruction de la raison imposée par l'absolutisation de l'économique et
du politique dans ses effets les plus nocifs : la destruction de l'aisthesis,
l'insensibilisation aux phénomènes du monde, d'autrui et de nous-mêmes.
Cette confrontation s'est produite de nos jours à travers les tentatives
de réflexion des artistes et des créateurs qui se sentaient asphyxiés par
des cultures elles-mêmes réduites à des volontés de régulation arbitraire
du comportement. L'émancipation de la sensibilité de chacun a été ainsi
à nouveau rendue accessible par une émancipation intellectuelle de ces
artistes et créateurs à l'égard de ces effets d'anesthésie culturelle.
Ce sont ces mouvements d'émancipation esthétique et intellectuelle
qui sont retracés ici à travers une analyse des oeuvres de Nietzsche,
Artaud, Deleuze, Lyotard, Castoriadis, Flusser, Gehlen et Foucault. Cette
reconstruction transculturelle conditionne en effet la réouverture de la
sensibilité humaine à ses propres aspirations tout autant qu'à la perception
de ce qui l'entrave encore.