Pour répondre à la question de Maurice
Martin du Gard, alors directeur des Nouvelles
littéraires - «J'aimerais connaître en détail une
de vos journées de travail» -, Valery Larbaud se
livra à un bref et subtil exercice d'autobiographie
intellectuelle, resté inédit dans son intégralité,
jusqu'à ce jour :
«Pour les ouvrages d'imagination le travail
est constant, presque sans interruption, soigneusement
entouré de paresse (apparente). Il se
poursuit à travers toutes les circonstances et les
incidents de la vie quotidienne, même à travers
les conversations et un travail plus "matériel",
tel que recherches ou traduction. Il écrême le loisir,
profite de la musique entendue, d'un tableau
remémoré, d'une lecture qui n'a rien à voir avec
lui, avec son sujet, ni avec les recherches en train.
Il "règne sur la vie", comme le désir, comme
l'amour, comme un projet dont la réalisation
nous donnerait une grande satisfaction, nous
enrichirait matériellement, ou nous procurerait
de grands avantages. Mais comme il est désintéressé,
c'est, en somme, à l'amour qu'il ressemble
le plus.»