Brillant et provocateur sont deux des qualificatifs fréquemment
associés à Paul Shepard (1925-1996) qui, en 1996, dans
Nous n'avons qu'une seule terre, composa à partir de cinq de ses
livres une sorte d'introduction et de résumé de son oeuvre. Son
approche est profondément originale, iconoclaste, dérangeante,
stimulante, drôle parfois et claire, poétique toujours, ce qui est
rare en biologie.
Ses principaux sujets de réflexion sont éternels, d'où
venons-nous, où allons-nous et comment ; qu'est-ce qui constitue
l'essence de notre humanité ; d'où vient notre conception du paysage,
des animaux, de la terre ; la nature et la culture sont-elles
compatibles ?
Le début de l'agriculture, en général considéré comme l'aube
de l'humanité, ne marque-t-il pas au contraire le début de la
catastrophe car en nous séparant du vivant et en devenant des
agriculteurs, nous avons modifié notre rapport au monde, notre
rapport à la terre. Nous sommes passés de l'époque des chasseurs-cueilleurs
à celle des agriculteurs puis à celle des esclaves
de l'économie. Ces mutations profondes ont-elles marqué un progrès,
comme on a voulu nous le faire croire depuis toujours, ou
ont-elles été l'entrée dans un engrenage absurde. L'augmentation
constante de la population sur une terre, aux ressources limitées
par essence, devant aboutir tôt ou tard à une catastrophe
généralisée. Bien avant que le thème de L'effondrement, de Jared
Diamond, n'en ait convaincu plus d'un, Paul Shepard nous avait
avertis, toutes les civilisations sont mortelles, nous devons chercher
des solutions et arrêter de faire les autruches.
Paul Shepard, qui fut un des premiers philosophes environnementalistes,
nous montre que c'est en nous-mêmes que
nous trouverons la force de repenser le monde. Savoir d'où nous
venons pourra nous aider à savoir où nous voulons aller.