Lazarillo de Tormès fait le récit de ses aventures et mésaventures, à
l'instar du célèbre aïeul qu'il s'est choisi. Le nouveau Lazarillo, pauvre
nourrisson abandonné par sa mère, est recueilli par des chevriers. Il
leur fausse compagnie dès l'âge de huit ans, se met au service de
trois sacripants, voleurs et musiciens ambulants, s'attache ensuite à
un mendiant-philosophe, puis à un bon hidalgo, rêveur et poète ; ses
maîtres sont tous plus sordides et inquiétants les uns que les autres,
et il finit valet d'une horrible sorcière, jusqu'au jour où la Garde civile
l'enrôle par surprise dans un régiment de Madrid...
Après le célèbre Lazarillo de Tormès, précurseur et modèle du roman
picaresque, il fallait un bien grand talent - et, disons-le, une certaine
audace - pour écrire un Lazarillo moderne, à l'image de l'universel
chef-d'oeuvre espagnol du XVIe siècle. Camilo José Cela a réussi cette
gageure. Les tours pendables du picaro sont très divertissants, et il
n'a rien à envier à son illustre prédécesseur en malice, en cynisme et
manque de scrupules avec, parfois, une pointe de sentimentalisme
et de générosité.