Comment les rêves sont-ils devenus des objets de science ? Pourquoi des savants
se sont-ils intéressés à leurs songes et appliqués à les noter minutieusement ?
Centré sur l'Europe francophone, ce livre prend comme objet d'étude une figure
qui s'affirme au cours du XIXe siècle et se perpétue jusqu'à la Seconde Guerre mondiale,
celle du «savant rêveur». Dans un but scientifique, philosophes, médecins
et psychologues, mais aussi amateurs cultivés, utilisent leurs propres exemples
pour construire une psychologie fondée sur les rêves, interprétés comme résultant
de perceptions extérieures transformées, d'impressions intimes, parfois sexuelles,
ou d'associations d'idées. Ces expériences nocturnes leur apparaissent principalement
comme des retours d'un passé soit récent, soit très ancien, demeuré le plus
souvent inconscient. Par ailleurs, on continue à donner aux visions nocturnes un
sens prémonitoire, en particulier dans les clefs des songes, largement diffusées
à l'époque. Enfin, lors de la Grande Guerre, les consigner par écrit devient un
précieux refuge pour fuir une réalité vécue comme un cauchemar.
En permettant de redécouvrir les «nuits savantes» de personnages comme Maury,
Hervey de Saint-Denys, Tarde, Delboeuf ou Halbwachs, l'auteur propose une
histoire inédite des rêves et revient sur les débuts de la psychanalyse. Jacqueline
Carroy montre que Freud, savant rêveur de son temps, a suivi les pas de ses
prédécesseurs, tout en posant les bases d'une nouvelle approche des songes. Cet
ouvrage novateur exhume des conceptions et des pratiques aujourd'hui oubliées,
bien qu'à l'origine de notre modernité.