Contemporain de Tolstoï et de Dostoïevski, Ivan Gontcharov échappe à tout esprit de chapelle, d'école et d'esthétique littéraire. Rompant avec le sentimentalisme et le romantisme alors en vogue, son oeuvre s'appuie sur la seule description du réel, du paisible bonheur d'être et de vivre à l'image de son auteur, génie littéraire incontesté dont la destinée fut celle, assez banale, d'un fonctionnaire impérial, qui vécut en se tenant, comme l'écrit Jacques Catteau dans sa préface, « hors jeu de l'histoire ». L'ennui, le flegme, la mélancolie, la paresse, l'éloge de l'inutile sont les thèmes dominants d'Oblomov comme de tous ses autres écrits.
Oblomov est devenu un mythe littéraire au même titre que Faust, Don Quichotte ou Don Juan. Le roman est l'histoire d'un aboulique qui rêve d'une existence « sans nuages, sans orages, sans ébranlements intérieurs », d'un doux rêveur sensible qui aspire à l'inaction. Le barine Ilia Ilitch Oblomov réussit ce qu'il ne faudrait pas réussir, être enfin soi-même en dépit des autres, de l'image que proposent normes, morale, société et histoire. Il refuse de bouger, fidèle, indéfectiblement, à l'immobilité de l'enfance.
Dans La Frégate Pallas, Gontcharov relate son voyage autour du monde à partir des lettres envoyées à ses amis, un périple qui le conduit d'un continent à l'autre au temps lent et envoûtant de la marine à voile. Toute la force romanesque et la puissance suggestive de ce livre reposent sur la vigueur des portraits, la beauté et le plaisir des voyages, l'évocation de la vie maritime, de ses charmes et de ses périls. On y retrouve le mélange de finesse, de placidité et d'humour qui fait la singularité de l'oeuvre de Gontcharov.