Cent ans après les révolutions russes, vingt-cinq ans après l'effondrement de l'URSS, l'objectivité scientifique règne-t-elle enfin sur l'histoire d'octobre 1917 et des combats dont est né le premier pays dit socialiste ?
Philosophe et politique averti, grand connaisseur de l'oeuvre de Lénine - il a révisé la traduction des textes donnés en annexe -, Lucien Sève lit avec rigueur ce qui est dit de cette révolution et du rôle de Lénine dans les manuels réputés de Nicolas Werth ou d'Andrea Graziosi, de Lénine en général dans les écrits faisant autorité de Dominique Colas ou d'Hélène Carrère d'Encausse - et on va de découverte en stupéfaction. Le résultat est sévère : sous la compétence - inégale - de ces auteurs de référence, on découvre la flagrante partialité au nom d'une prétendue « dé-idéologisation », la méconnaissance choquante de la pensée léninienne, la liberté maintes fois prise avec les faits, la lourde altération de leur sens par omission, pis encore parfois. Du même coup vous apprenez sur octobre 1917 et sur Lénine plus d'une chose importante qui ne vous est jamais dite dans la vulgate d'aujourd'hui, pas plus qu'elle ne l'était hier dans celle du marxisme stalinisé.
Mettant à mal l'image repoussante qui en est donnée, Lucien Sève ne tend cependant pas à faire de la politique léninienne une stratégie révolutionnaire pour aujourd'hui : le léninisme est « totalement périmé », dit-il sans détour, et il montre en quoi. Mais il fait découvrir combien l'oeuvre écrite de Lénine, aujourd'hui méconnue, reste une des plus vivantes initiations à la pensée politique, qui mérite lecture ou relecture critique attentive.
Un petit livre d'actualité politique montrant que polémique et rigueur peuvent aller de pair.