Il n'y a pas d'oeuvre dans la conscience universelle qui ne soit plus forte qu'Oedipe roi. Quand je traduis l'une de ces pièces, je suis placé devant deux choses : d'une part la situation dans laquelle est quelqu'un qui a écrit, étant lui-même placé dans une tradition par rapport à laquelle il prend ses distances ; et d'autre part, tout ce que l'on a fait, depuis, de cette oeuvre. La reconstruction du moment où quelqu'un a écrit est au centre de ce que je fais. Et je détache cela très nettement de l'utilisation qu'on a pu faire de ses oeuvres. Je prends le parti de celui qui écrit, de la situation qu'il a lui-même vécue et de sa façon de transformer une situation culturelle dont il a hérité. Je suis donc toujours en face d'une chose dont je peux parler directement. Mais il me faut aussi tenir compte de ce que les gens me disent : pour certaines phrases d'une pièce comme Oedipe roi, il y a huit ou dix interprétations très marquées, reconnaissables. Ce que je cherche, c'est le passage à une forme d'explication du sens, à son expression forte, immédiate, qui laisse entière la rudesse du texte.