On a souvent voulu voir en Rutebeuf un prédécesseur de Villon : même gouaille caustique du poète parisien, même peinture caricaturale et apitoyée de soi-même. Certes, Rutebeuf a aussi, sur commande, mis sa poésie au service des grandes polémiques et des grandes causes de son temps (la crise de l'Université, les croisades, la piété). Il a composé avec Le Miracle de Théophile une des premières pièces de théâtre en français. Mais les vers qui restent en mémoire sont bien ceux où le poète, jouant sur les mots avec une facilité nerveuse et une lassitude nonchalante, égrène ses «soliloques du pauvre», victime de la misère et prisonnier du vice.