Jamais réédités avec rigueur depuis le XIXe siècle, revus ici sur le manuscrit original, les Mémoires confidentiels d'Anne Marie Louise d'Orléans, cousine de Louis XIV, La Grande Mademoiselle (1627-1693), méritaient d'être redécouverts. Mêlée avec panache à la Fronde, participant à la vie de cour jusqu'à sa mort, Mademoiselle est un témoin actif d'une histoire dont elle connaît tous les acteurs. Avec franchise et brusquerie, elle nous fait vivre dans leur familiarité, gardant la constante liberté de ton d'une petite-fille de France « Bourbon de tous les côtés ». Peu concerté, son projet d'écriture reflète la culture féminine de son temps, éloignée en apparence de la culture savante, formée à la riche et libre école de la conversation. De là un récit improvisé et rapidement écrit, collection de souvenirs pris sur le vif et unis entre eux par une conscience de soi hautaine et inquiète. Par grandes couches d'écriture et sur près de quarante ans, la princesse confie l'histoire de sa vie, mais autant pour « se dire » que pour témoigner de son temps, dans la logique d'un abandon à la mémoire qui laisse la part large à une mythologie personnelle, comme à une grandissante introspection. À l'école de Corneille, lu et scruté une vie entière, et forte d'une conscience de soi fabuleuse, Mademoiselle nous offre l'odyssée d'une liberté féminine au grand siècle, sous un règne pourtant écrasant. Ce faisant, et bien avant Rousseau, elle nous livre un des premiers exemples de la moderne autobiographie.