La ligne de démarcation entre la droite et la gauche paraît
simple. La préoccupation sociale, la méfiance à l'égard de la religion,
l'accueil de l'étranger, la paix entre les peuples, le souci de
l'environnement seraient des thèmes de gauche, tandis que la
libre entreprise, l'hostilité à l'impôt, la défense de la nation et de
l'école privée appartiendraient à la droite. Pourtant, dès qu'on
quitte l'immédiate actualité et qu'on remonte quelques années
en arrière, la ligne se brouille et des thèmes qu'on aurait pensés
appartenir naturellement à un camp étaient défendus par l'autre.
La profondeur historique est nécessaire au chercheur qui veut
aller au-delà des contingences. Pour cela, il faut partir de l'origine
de l'acception politique des mots de droite et de gauche, et
cette origine se situe sous la Constituante, la première assemblée
révolutionnaire. Les idées défendues par l'un et l'autre camps
s'opposaient-elles alors de part et d'autre d'une ligne cohérente ?
L'évolution historique confirma-t-elle ce partage ? Les prises
de position successives de tel personnage emblématique d'une
famille politique peuvent fournir un fil conducteur. C'est par un
perpétuel mouvement entre les discours et les actes d'une part
et la recherche de leur cohérence conceptuelle d'autre part que
l'on pourra trouver, au-delà des contradictions apparentes ou
réelles, les fondements de ce que sont la gauche et la droite, et la
réponse à cette interrogation : y a-t-il une essence de la gauche et
de la droite ou ces deux familles ne sont-elles que le résultat de
recompositions de circonstances ?