Capitale de l'Empire ottoman, ville-port caractérisée par une grande diversité ethnique et confessionnelle, Istanbul est à la fin du XIXe siècle une métropole de près d'un million d'habitants, où les enjeux liés à l'ordre public sont particulièrement sensibles. Avec les Tanzimat (réformes de l'État ottoman) et les changements économiques et sociaux du long XIXe siècle, la définition de l'insécurité, le dispositif de maintien de l'ordre et les formes de contestation de l'ordre établi connaissent d'importantes transformations. C'est cette nouvelle configuration qui est ici étudiée, de la fin des années 1870 à 1909, période marquée par le règne autoritaire d'Abdülhamid II et la révolution jeune-turque de 1908.
Confronté aux défis posés par les migrations, les contestations politiques et les nouvelles formes de sociabilité, le pouvoir fait de la préservation de l'ordre politique, social, moral et religieux une priorité absolue. L'institutionnalisation de la police et son déploiement dans la capitale ont pour corollaire une redéfinition des priorités de l'action des forces de l'ordre et de leurs modes d'intégration dans la ville, processus qui s'inscrit dans un mouvement européen de réforme du maintien de l'ordre. L'ouvrage se concentre sur les nouvelles formes d'interactions, de coopérations ou de rivalités entre les différents acteurs de l'espace urbain : l'institution policière, principale responsable du maintien de l'ordre dans la capitale, les « agents intermédiaires » tels les bekçi (veilleurs de nuit) ou les kabadayi (sortes de caïds), et la population locale.
Des déviances quotidiennes à la stigmatisation des classes populaires arméniennes, des rondes policières à la pression sociale dans les quartiers, cet ouvrage offre un éclairage nouveau sur les multiples facettes des relations entre l'État et la société à la fin de l'Empire ottoman. Il apporte aussi une contribution originale à l'historiographie de l'ordre public et du maintien de l'ordre en Europe.