De la fin du XVIIe au début du XIXe siècle s'étend l'âge des dictionnaires marqué par le succès éditorial de ces genres particuliers et l'affirmation d'une pensée classificatoire qui tend à prendre pour objets tous les éléments du réel, hommes, plantes, animaux. Les dictionnaires historiques et les listes de noms envahissent l'espace public et s'imposent comme de nouveaux supports de lecture du monde politique, social ou culturel. Il s'agit toujours, sous le prétexte de présenter un savoir ordonné, d'opérations de qualification et de disqualification, de réputation ou de stigmatisation.
En faisant voler en éclats les modes de reconnaissance anciens, en laissant à des inconnus devenir du jour au lendemain des hommes célèbres, la période révolutionnaire va stimuler la production puis la diffusion d'un genre entièrement renouvelé, le dictionnaire biographique ayant pour vocation de dire qui est qui dans un monde bouleversé.
L'auteur analyse ici les modalités à partir desquelles se construit l'écriture des notices biographiques. Une véritable bataille de portraits-écrits se déchaîne entre 1789 et 1840, dont l'enjeu est essentiel pour qui veut conserver et consolider sa réputation ou détruire celle de son adversaire.
La biographie n'est plus seulement un récit de vie, elle devient un pouvoir affirmé dans l'espace public et politique, que Jean Luc Chappey définit sous le terme de biocratie. À l'heure de Wikipédia, cette archéologie du Who's Who de la société révolutionnée s'impose comme une réflexion politique et critique sur les systèmes de reconnaissance des individus en profondes mutations et sur la construction historique des médias qui font et défont des réputations en période de crise.