Pour nombre d'observateurs, les événements du 11 septembre 2001 confirment l'hostilité supposée millénaire entre l'Orient et l'Occident. Dans cet essai incisif, Georges Corm explique pourquoi il s'agit en réalité d'une «fracture imaginaire», cachant de façon opportune des intérêts de puissances très profanes.
Remontant aux sources de ce sentiment de fossé infranchissable entre civilisation occidentale et Orient «musulman», il explique comment se sont imposés au XIXe siècle les clichés d'un Orient mystique, archaïque et irrationnel et d'un Occident matérialiste, rationaliste et individualiste. Sans indulgence pour les intellectuels orientaux qui s'en font l'écho symétrique, il met ainsi au jour la «laïcité en trompe l'oeil» de la pensée occidentale moderne, forgée par les valeurs religieuses, imprudemment mêlées à de fumeuses théories raciales sur la hiérarchie des peuples, des nations et des civilisations.
Les passions soulevées par les événements du 11 septembre, l'invasion de l'Irak par les États-Unis, le rebondissement du drame israélo-palestinien et la foi aveugle dans les bienfaits de la globalisation ont contribué à figer dangereusement la pensée critique. Pour l'auteur, il est temps que la pensée politique occidentale quitte un discours devenu dangereusement narcissique et qui continue de s'articuler sur des archétypes bibliques.
«Orient-Occident, la fracture imaginaire appelle à la mise en oeuvre d'un ambitieux programme: opérer, en Occident, une mutation des concepts de laïcité et de modernité, en les désoccidentalisant et en se préservant de tout particularisme et de tout communautarisme.»
Le Monde