Dans les années trente, Blaise Cendrars s'est lancé dans
l'aventure de la grande presse, où l'appelait son ami Pierre
Lazareff. Parmi les écrivains-reporters, sa place est pourtant
singulière. Refusant de spécialiser sa curiosité, il a mené ses
enquêtes avec éclectisme, s'attachant tour à tour à raconter
la vie d'un politicien affairiste, à dresser un panorama de la
pègre en 1935, à visiter les studios de cinéma à Hollywood
ou à vivre la traversée inaugurale du paquebot Normandie
(mais dans les soutes, avec les machinistes). Au déclenchement
de la Drôle de Guerre, le grand mutilé devient correspondant
chez l'armée anglaise. Mais, dans sa conception du
journalisme, il n'a jamais séparé le témoin du visionnaire :
«Un reporter n'est pas un simple chasseur d'images, il doit
savoir capter les vues de l'esprit.»