Rassemblées pour la première fois, et dans leur totalité, les pages de ce
Papier à lettres parues dans Charlie Hebdo entre 1993 et 2003 composent
un livre à ne pas mettre entre toutes les mains. C'est un ouvrage
rare, une curiosité qui exige précisément une grande curiosité et une certaine
délicatesse.
Enfant, Gébé rêvait de devenir écrivain. Après avoir travaillé treize ans à la
SNCF, il devint dessinateur - de dessins souvent «sans paroles». Et puis, le
temps passant, le démon de l'enfance lui caressa la tête, l'écriture prit de plus
en plus de place : bandes dessinées, articles, nouvelles, romans, chansons,
romans-photos, scénarios de films et une pièce de théâtre.
Dans ce recueil, les textes d'insurgé recouvrent sans vacarme des dessins
poétiques dans lesquels il est passé maître. Comme chez ses amis Fournier,
Siné ou Willem, cette prépondérance du texte sur l'image est devenue une
forme nouvelle, ni dessin de presse ni bande dessinée. S'y ajoute sa remarquable
calligraphie qui vient s'enlacer entre les murs et les arbres observés depuis
sa lucarne ou son jardin. Lorsque Gébé rêve les yeux ouverts, on sent qu'il ne
faut pas le déranger : mais qui peut déranger un homme qui rêve si fort ?