La poésie de Sylvestre Clancier est toute d'impressions, effervescente, interrogative, elle procède par touches, notations brèves, en appelle aux errances de la rêverie et de la mémoire - toutes deux confondues, indémêlables [...] Souvenirs à demi rêvés : son domaine personnel en même temps qu'il fait écho à Nerval ou à Verlaine (« Souvenir, souvenir, que me veux-tu ? ») Ou bien serait-ce une maison de campagne, les journées buissonnières, l'île de Ré, une soeur (Juliette), le voisinage d'André Frénaud :
Maintenant la maison, ses cours et son jardin
sont en toi. Tu sais qui est là, de l'autre côté,
te regarde, te fait signe en silence.
[...] Dans le poème il semblerait que le temps fait halte, s'étire, cristal et brume tout ensemble. [...] Le fin brouillard des heures et des joies et ce petit « goût d'éternel » que Jean Follain cherchait à formuler.
Néanmoins le poète ne rend pas compte seulement des circonstances d'ordre privé. [...] C'est l'incompréhensible et sanglant feuilleton du siècle, le cimetière des morts anonymes, des échos d'époque aussi avec son désordre joyeux, ses fanfares, ses éclats, ou encore la misérable épopée des vies minuscules, ou « les fusillés du petit matin » un certain onze novembre, au Mont Valérien. Et quelques échappées du côté des arts, Buffet, Vasarely, etc.
Sylvestre n'a pas besoin de forcer la voix. Il lui suffit dans des vers simples comme le vent, de nous donner à respirer un air pur, et de nous communiquer le sentiment que ce qui tremble entre les mots, c'est cette autre chose qu'on appelle poésie, selon le mot de Guillevic.
Lionel Ray
(Extrait de la préface.)