Parachever un génocide
Le génocide des Arméniens ne s'est pas arrêté en 1916. Le nouveau livre de Raymond Kevorkian met en lumière la manière dont les Arméniens et les Grecs qui avaient échappé aux massacres ont été éliminés ensuite de manière organisée dans le cadre de la politique des Jeunes-Turcs nationalistes du Comité Union et Progrès et des partisans de Mustafa Kemal, présenté habituellement comme un héros progressiste et laïque et le père de la Turquie moderne.
En réalité, ces crimes de masse sont inséparables de la construction de l'État-nation turc, selon Kevorkian. Il dépeint ainsi un autre visage de Kemal Atatürk, résolu à parachever l'homogénéisation ethnique de l'Asie Mineure avec la complicité des responsables des massacres et le soutien de l'opinion publique turque.
Dans cette enquête historique appuyée sur une documentation méticuleuse, souvent poignante, il apporte des éléments de réponse à deux grandes questions : la République turque s'est-elle fondée sur le génocide perpétré durant et après la Grande Guerre contre les Arméniens, les Syriaques et les Grecs ottomans ? La Turquie contemporaine porte-t-elle encore et toujours les stigmates de ces violences extrêmes ?
Il montre ainsi, à rebours du « roman national » de la propagande, que la Turquie d'Erdogan ne peut être comprise qu'à la lumière de l'héritage de Mustafa Kemal et du génocide des Arméniens.