Série d'études urbaines saisissantes sur
Le Caire, Pékin, Johannesburg, Dubaï, Kaboul,
Managua, etc., Paradis infernaux pourrait être
l'anti-guide des «mondes de rêve» engendrés
par le capitalisme contemporain. De la
désormais classique gated community de
l'Arizona aux camps retranchés de Kaboul, en
passant par la Californie de synthèse
importée à Hong-Kong et ailleurs, ou par la
spectacularisation architecturale de Pékin à
l'ère néolibérale, l'imaginaire qui préside à ces
nouvelles formes d'utopie est celui de
l'enrichissement sans limites, de l'hyperbole
constante, des dépenses somptuaires, de la
sécurité physique absolue, de la disparition
de l'État comme de tout espace public, de
l'affranchissement intégral des liens sociaux
préexistants... Mais cette débauche réservée
aux riches ne donne lieu à aucune expérience
réelle ; elle est tout entière branchée sur les
objets-fétiches de la fantasmagorie mondiale,
harnachée aux mêmes idéaux figés du marché
global. L'absence d'horizon qui caractérise
notre monde se redouble, dans ces outre-mondes,
d'une violence faite aux pauvres,
massés, toujours plus nombreux, derrière les
frontières visibles ou invisibles qui chaque jour
transforment un peu plus le territoire des
riches en autant de citadelles néo-féodales
enclavées au coeur de notre modernité.