La découverte des photographies en couleurs de Willy Ronis sera à coup sûr une surprise pour beaucoup. Et c'est, de sa part, l'effet d'un don généreux que d'avoir bien voulu nous les donner à voir.
Ce maître du noir et blanc a donc photographié en couleurs dès 1955, dès l'apparition du Kodachrome, film diapositive à la chromie si particulière, et si peu sensible à la lumière qu'il aurait dû, logiquement, l'empêcher de faire, selon son style et son goût, des instantanés sur le fil du hasard, photos de rue, photos de foule, a fortiori photos de nuit... On verra qu'il n'en est rien et qu'il a su tirer le meilleur parti de la contrainte opposée à la spontanéité de son regard.
La couleur ici n'est en rien un prétexte, elle est une autre manière de voir, ni plus riche ni moins libre : elle est une façon différente de traiter de la lumière - la grande affaire de la photographie -, une autre « métrique », pas même un autre langage. Et Paris est bien plus qu'un sujet : c'est le matériau de l'auteur qui s'émeut au spectacle de la vie ordinaire côtoyée chaque jour dans sa ville, la vie banale et souriante des Parisiens à laquelle il confère une profondeur puisée à son émotion-même. Car ce qu'il importe de noter c'est que le photographe a, par les moyens qui lui sont propres, poursuivi de questionner l'âme populaire en ses reflets gais ou mélancoliques, en ses images frivoles ou graves, qu'il a touché du doigt - ou de l'oeil - la beauté palpitante et la tendresse bonhomme de ce peuple bigarré, qui sont les « débris et trésors » poétiques de la Ville - que seul un grand artiste pouvait recueillir avec une telle constante bonté, en noir comme en couleurs.