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« C’est mon petit doigt qui me l’a dit », « manger la laine sur le dos », « tirer les vers du nez », « prendre la balle au bond », « il n’y a plus à tortiller », « s’en foutre comme de l’an quarante », « être au bout du rouleau », « manger de la vache enragée »… Qui d’entre nous n’a manié ou entendu, ne serait-ce qu’une fois, l’une ou l’autre de ces expressions ? Ces tournures, reflets de la langue populaire du XVIIIe siècle, émaillent les pages du Père Duchesne, le célèbre journal de Jacques René Hébert, paru de 1790 à 1794. Journaliste de génie, à l’avant-garde du combat révolutionnaire, Hébert se fit, à l’apogée de son influence politique, l’écho et le porte-parole des sans-culottes parisiens. À coups de métaphores familières, de jurons désopilants, de situations improbables, il savait faire mouche et mettre les rieurs de son côté, qu’il s’agisse de railler le « daron » (Louis XVI), l’« architigresse » (Marie-Antoinette) ou le « général Blondinet » (La Fayette). Son héros, le Père Duchesne, toujours heureux de « s’en foutre une pile » en « étouffant des enfants de choeur » à la santé de la Nation, voulait « dépapiser Rome », « foutre à la lanterne » les aristocrates et faire monter dans la « voiture à trente-six portières » (la charrette des condamnés) les adversaires de la Révolution. Hébert lui-même allait périr en mars 1794, victime de la « cravate du docteur Guillotin ». Les mots du Père Duchesne traduisent, parfois avec outrance, souvent avec justesse, la culture de la rue, le climat politique d’une époque, et sa radicalisation entre 1790 et l’an II. Plus encore, ils témoignent de la richesse d’une langue, de ses évolutions et de ses survivances dans le parler quotidien et l’« argot » de notre siècle.