Paroles d'hommes
« Le monde me paraît moins sûr. »
Pierre a perdu sa tranquillité. Le monde est devenu une terre étrangère. Il se découvre en homme inquiet, lui dont la qualité consistait jusque-là à exercer auprès de ses proches une présence rassurante.
« Ma mère est morte »... il lui arrive de répéter ces mots à haute voix, comme une annonce venue d'ailleurs qui le laisserait incrédule. Sa mère est morte à un âge, un grand âge, où la mort n'est pas un événement. Lors de sa dernière visite, la veille, il l'avait trouvée mal en point. Et pourtant sa surprise avait été totale, un coup sur la tête assené par-derrière. Le téléphone lui apprenant la nouvelle était tombé de ses mains, et lui-même n'avait dû qu'au sofa qui se trouvait là de ne pas s'effondrer plus bas.
Pierre n'est pas menacé par l'effondrement, celui que Winnicott décrit dans les configurations borderline. Mais quelque chose en lui s'en approche, une terre sur laquelle on ne sait plus marcher, une perte de substance, quelque chose qui n'arrive pas à se mettre au passé.
Le monde est moins sûr.