Au centre du Mémorial, Pascal pose la « grandeur de l'âme humaine ». Ce qui fait la grandeur de l'âme, c'est la pensée en tant qu'elle ouvre l'accès à la vérité. Pour penser la pensée, Pascal, le premier, a pris acte de la nouvelle détermination cartésienne de la vérité comme certitude : le jugement exercé par la volonté la libère, rendant la pensée certaine, non seulement capable de Dieu, mais aussi certaine de Dieu. C'est la foi conçue comme volonté qui doit conférer cette certitude en entendant selon un sens cartésien le « Je sais en qui j'ai cru » paulinien. Ainsi, Pascal inscrit « la vraie religion » dans la nouvelle problématique de la position de l'homme, celle-ci fût-elle paradoxalement comprise comme dis-tance, dis-position ou dis-proportion.
Tel est le sens de cette affirmation du Mémorial, et telle est la thèse de ce livre. Pascal applique la rigueur cartésienne à la puissance paulinienne. Partant du concept de certitude ou convergeant vers lui, s'avère la permanence de ce fil conducteur et se mesurent les inflexions qui, en cinq ou six ans, ont caractérisé l'évolution des brouillons pascaliens, polarisée autour de La vraie religion. L'ordre des chapitres s'imposait ainsi de lui-même, historiquement documenté ou philosophiquement argumenté : avant le projet d'écrire De la vraie religion, au cours de ce dessein inaccompli d'une apologétique de la douceur, ou enfin après lui, pour décrire la conversion comme conformité de volonté.
Rapportées à ce fil conducteur, plusieurs difficultés trouvent leur élucidation : y a-t-il une vérité substantielle ? Comment peut-on se faire une idole de la vérité même ? Pourquoi faut-il que la justice de Dieu soit énorme comme sa miséricorde ? Que signifie le principe : « la nature marque partout un Dieu perdu » ? La conversion se définit-elle comme présence au présent ?