Sur un flipper occidental ordinaire, le joueur peut plus ou moins diriger la bille engagée, sinon la conduire, sur le parcours horizontal de l'appareil. Sur le flipper japonais patchinko (ancienne appellation de lance-pierre), vertical et automatique, le joueur ne peut qu'assister, passif, aux rapides dégringolades des billes projetées du haut de la machine sur un parcours troué où seul le hasard intervient. Dans cette absence de pouvoir, le joueur, ici dans le billard-poème-patchinko, se met à supposer que ses billes remontent la pente raide parsemée d'obstacles (erreurs de dates, réminiscences, associations d'idées, confusions, souvenirs...), creusent dans le passé comme des excavatrices et se reprécipitent vers le bas en rapportant des parcelles prélevées sur l'avant. Une façon de ramasser ses billes au cours de la partition imposée par le rythme sonore incessant de ces aller et retour. Patchinko, «objet fantôme», est un poème divisé en quatre jeux se déroulant au cours de l'unique partie d'une «mémoire qui a perdu son sang».