Un homme peint. Il a cent ans. Depuis des années - depuis tant d'années - il peint la même face, comme s'il s'agissait, par la peinture, d'en rendre possible l'incarnation. Cette face, c'est celle du Christ. L'homme s'appelle Paul Rambié. Il est né au Boucau, non loin de Bayonne, le 24 mai 1919. Ce pourrait être le début d'une fable, mais c'est la vie réelle de Paul Rambié.
Sa peinture est une exploration minutieuse, une quête qui ne peut - ni ne doit - trouver son assouvissement. Le travail de l'artiste se meut dans un entre-deux, qui est le lieu d'un aller-retour incessant : le mouvement de retour vers le chaos y est aussi mouvement du chaos - toujours là à l'état latent - vers la surface ordonnée de la création. Il lui faut remonter sans cesse vers l'origine comme vers une source obscure - ce fond noir dans lequel il va rechercher la face du Christ - afin, à partir de là, de faire surgir un monde lumineux, par extraction. Dans cette quête de l'origine, la tâche assignée à la peinture est de donner forme, de donner des formes, au chaos.
Pour regarder cela, pour accorder à cette peinture ce que celle-ci espère, il faut être attentif : mobiliser cette attention longue et silencieuse qui seule permet d'ouvrir les yeux.