Payer pour le roi
Saviez-vous que le duc de Bretagne voulut taxer une baleine échouée à Morlaix, comme « poisson ducal » ? Saviez-vous qu'en Aquitaine au temps de François Ier et dans le Cotentin au temps de Louis XIII, des milliers de paysans combattirent jusqu'à la mort pour refuser la gabelle du sel ? La fiscalité, ce n'est pas que de l'argent : elle révèle toute une société et retrace son histoire. Durant cinq siècles, de Philippe le Bel à la Révolution, chaque sujet du roi a été concerné par l'impôt, pour le payer ou pour ne pas le payer. Souvent pour s'y opposer. Comment comprendre cette acceptation ou ce refus ? Quand ? Comment ? Pourquoi ? Où ? Voici, pour la première fois raconté, dans l'ensemble du territoire français dans ses frontières de 1789, le combat de chaque région, de chaque cité, de chaque paroisse (4 000 sont ici étudiées), de chaque corps pour maintenir son statut fiscal particulier et, au-delà, pour affirmer une singularité que seule la Révolution a su intégrer dans une identité unique en transformant chaque sujet en citoyen.
L'État royal n'a pas été que répressif : tantôt absolue, tantôt négociatrice, cette monarchie à deux visages a eu pour interlocuteurs des habitants qui se sont impliqués, à l'échelle du village ou de la ville, par la fiscalité, dans la gestion de la chose publique. La levée de l'impôt direct principal, la taille, leur a été laissée, en toute autonomie, par le roi, contre l'obligation de payer solidairement, « le fort portant le faible », ce qui a entraîné choix économiques, rapports de force, solidarités, intérêts bien compris. Avant que les inégalités, devenues insupportables au siècle des Lumières, ne fassent exploser la société des trois ordres.
Grâce à une documentation chiffrée inédite, une cartographie abondante (129 cartes dont 84 originales), des graphiques (84) et des tableaux (77) éclairants, Mireille Touzery nous offre le fruit de plus de vingt ans de recherche : la première histoire de la fiscalité royale, de sa naissance (1302) à sa mort (1792). Cette histoire est aussi celle de l'État, colonne vertébrale de la « nation France ».