Aboutissement de plusieurs décennies d'un parcours original,
la quadrilogie publiée dans les Paysages de la peur nous offre une
histoire sociale attentive à toutes les classes et à leurs relations,
durant un très «long Moyen Age» qui se termine seulement avec
la «fin des paysans», au début du XXe siècle.
Fumagalli y dresse le portrait sensible d'une humanité plongée dans
une nature tantôt hostile et terrifiante, tantôt généreuse, conquérant
de nouveaux espaces à l'agriculture, rendant vie aux cités ruinées et
imposant sa propre règle aux espaces et aux bêtes sauvages.
Animé d'une extraordinaire empathie pour les hommes du passé,
l'historien mobilise toutes les sources pour nous faire «sentir dans
la peau» les «passions, émotions, rêves, espoirs, peurs» d'individus
et de groupes sociaux réduits au silence par des sources rédigées
exclusivement par les couches supérieures.
Fumagalli fait littéralement parler le paysage et le témoin, pour
mieux signifier l'expérience vécue, «en mettant sur la table, pour
ainsi dire, tous les aliments avec lesquels est dressé le banquet de
l'histoire, sans oublier aucun convive», du fleuve Pô inondant la
plaine padane aux loups aveuglés par l'éclat des glaces polaires ou
aux ours partageant les baies sauvages avec des saints.
Les Paysages de la peur expriment, au fil d'un récit passionnant,
sa conviction qu'au-delà des siècles et des périodes historiques,
il existe une profonde unité de l'expérience de l'homme dans ses
rapports avec l'environnement jusqu'à la fracture provoquée par le
processus d'industrialisation contemporain.