En 1971, peu de temps avant sa mort, Georg Lukács commença de travailler à une autobiographie. Il en résulta un ensemble de notes : Pensée vécue, pour le relevé desquelles Lukács s'en était remis à sa mémoire. Mais comme il ne se sentait plus la force de les confronter à des matériaux d'archives et de bibliothèques, il consentit, en mai 1971, à ce que cette ébauche soit précisée et complétée par une série de conversations, qui furent enregistrées sur bande magnétique, avec l'historienne de la littérature Erzsébet Vezér et l'essayiste István Eörsi.
Pensée vécue, et ces conversations reproduites ici sous le titre Mémoires parlés après avoir été mises en forme, éclairent les diverses étapes de la vie de Lukács : la «guérilla» contre la mère durant l'enfance, les premiers essais littéraires et critiques, l'adhésion à une esthétique susceptible de répondre à des questions d'ordre éthique, l'évolution par rapport au mouvement communiste, notamment pendant la révolte hongroise de 1956.
C'est donc à partir d'événements rappelés, en dehors de toute perspective subjective, que l'autobiographie de l'un des plus éminents penseurs communistes de ce siècle s'est trouvée établie. Elle montre comment la réflexion de Lukács est issue de sa vie même et aussi comment cette réflexion a pu déterminer son comportement.