L'analyse ne dépend pas du lieu où l'on se place mais de la manière dont deux personnes fonctionnent psychiquement ensemble. Tout comme le fait de s'allonger sur le divan ne confère pas à notre travail le statut d'« analyse », ne pas s'allonger sur un divan ne lui ôte pas non plus. J'ai eu des patients dans les positions les plus étranges : il y a, par exemple, l'histoire de cette femme qui ne voulait absolument pas s'allonger sur le divan et avec laquelle nous avons fait tout de même un long travail analytique. Nous nous voyions quatre fois par semaine, mais en face à face car elle se sentait trop persécutée à l'idée de ne pas contrôler mes réactions. Après un certain temps je lui ai dit : « Écoutez, moi, je me fatigue à rester ainsi, cinquante minutes figés à se regarder. Si ça ne vous dérange pas, je me tourne... » Alors, je me suis tourné dans mon fauteuil - qui a des roulettes - et, à partir de là, la patiente arrivait, s'asseyait et je lui tournais le dos. Cela a marché quelques mois, puis elle a évoqué le fait qu'il lui fallait déménager, qu'il était temps de changer, qu'elle voulait avoir une maison plus confortable.
Il me semblait évident qu'elle parlait d'un déménagement à faire dans notre analyse. Lorsque vint le jour convenu pour notre « déménagement », moi, je m'attendais évidemment qu'elle prenne place sur le divan et que je puisse occuper mon fauteuil, mais non : en arrivant, elle prit place sur mon fauteuil !... Et là j'aurais pu faire mille choses, donner sept mille interprétations en tous genres... Or, sans hésiter une seconde, je me suis allongé sur le divan et nous nous sommes embarqués pour d'autres longs mois d'analyse, moi sur le divan, elle derrière, dans mon fauteuil d'analyste. Jusqu'au jour où elle fit un rêve dans lequel sa secrétaire occupait arbitrairement la place qui était la sienne. Quelques semaines après, elle parlait à nouveau de déménagement et finalement celui-là fut le bon : j'ai enfin occupé mon fauteuil et la patiente s'est allongée sur le divan. Ce manège nous a pris deux ans, mais cela ne nous a pas empêchés de faire un véritable travail d'analyse. L'important, c'est de savoir jouer... - Antonino Ferro