La pensée de droite est diverse et changeante ; elle varie selon les
courants entre lesquels elle se partage, selon les secteurs de la vie sociale
où elle s'énonce, selon les interlocuteurs auxquels elle s'adresse. Elle
présente parfois des incohérences, mais comme elle n'est jamais obligée
de se constituer en système, ces incohérences passent très largement
inaperçues.
Par-delà cette multiplicité de facettes différentes, il est cependant
possible - telle est l'hypothèse de ce livre - d'identifier un socle commun,
un faisceau d'axiomes qui, sans former une doctrine unique,
permet aux penseurs de droite d'appréhender les faits à travers les
mêmes catégories et de les apprécier au regard des mêmes valeurs ; ainsi
se préparent les conditions d'une convergence face à l'adversaire.
Ces axiomes sont passés en revue : ils ont nom réalisme, ordre,
hiérarchie, autorité, patrie, morale. Ils impliquent une certaine conception
de la nature humaine et de l'histoire, une certaine image des
rapports entre l'individu, la société et l'État, et une certaine idée de la
politique. Enfin, ils organisent les relations que la pensée de droite
entretient avec deux «voisins» de nature très différente, mais qui sont
pour elle de la plus haute importance : d'un côté l'extrême droite, de
l'autre l'Église catholique.
Forte en la matière d'une longue expérience, la pensée de droite sait
vivre avec ses contradictions. L'écart se creuse cependant entre sa
version libérale et sa version conservatrice, entre les exigences du
système économique et social auquel elle adhère et son attachement à
l'ordre établi. Pour l'instant, le clivage passe à l'intérieur de chacun
des penseurs, mais il pourrait bientôt s'approfondir au point de les
contraindre à choisir leur camp.