Cet ouvrage se base sur un travail exégétique fouillé de l'idéalisme religieux postkantien. Son objectif est de parvenir à montrer l'utilité d'un tel exercice pour notre intelligence contemporaine des phénomènes religieux. La thèse défendue est que l'idéalisme postkantien est la première tentative systématique de théorie non dogmatique de la religion et que s'il parvient à ce tour de force après Kant, c'est parce qu'au lieu d'en rester à une approche minimaliste des contenus de croyance en rapport aux limites de la raison, tant théorique que pratique, il déplace son angle d'approche vers le sujet croyant. Pour y arriver, il crée une matrice épistémologique qui lui permet de comprendre comment l'expérience du sujet croyant, la foi, agit sur sa perception de soi, des autres et du monde, au point d'introduire en lui une forme de variation affective, de trouble pulsionnel, qui engage des choix comportementaux. Si Fichte ouvre sur cette base une voie vers une thérapeutique du soi et une théorie critique de la religion, Schelling, pour sa part, est plus sensible à une économique holistique du développement de la vie dont un auteur comme Agamben permet de mieux saisir aujourd'hui tous les enjeux. Dans les deux cas, ce tournant épistémologique ouvre l'espace dans lequel les sciences humaines des religions pourront élaborer leurs discours au XXe siècle. Mais en reconsidérant l'origine de ce mouvement d'émancipation épistémologique à l'égard des croyances religieuses, force est aussi de reconnaître qu'un souci qui guidait les idéalistes en se concentrant sur le sujet croyant était de parvenir à maintenir le lien entre ces ordres de croyance et la capacité politique du vivre ensemble. C'est ce lien qui nous semble devoir être réactivé aujourd'hui dans nos tentatives de penser les phénomènes religieux sans établir de cassure entre une vision herméneutique et une vision politique.