Le frère prêcheur Pérégrin d’Opole, qui a passé l’essentiel de son existence dans les couvents de Racibórz et de Wrocław, en Silésie, nous a laissé un recueil de 128 sermons en latin, rédigés pour l’essentiel entre 1297 et 1304. Ces allocutions « du temps » et « des saints », brèves et bien calibrées, destinées à servir de modèles à ses confrères dominicains et à l’ensemble du clergé, ont connu une diffusion européenne à la fin du Moyen Âge. Elles constituent, avec la Légende dorée du dominicain génois Jacques de Voragine († 1298), un bel exemple de la standardisation du discours religieux à la fin du XIIIe siècle, à des fins d’efficacité pastorale. Nourri de l’écriture Sainte, dont il excelle à extraire les différents sens, narrateur habile quoique peu original, Pérégrin d’Opole cherche à inculquer le modèle de christianisme issu du concile de Latran IV de 1215, dont les piliers sont la messe dominicale, la confession annuelle et la communion pascale. En dominicain attaché aux valeurs et aux idéaux de son ordre, il se pose en défenseur de l’orthodoxie catholique, face aux païens, aux infidèles, aux juifs et aux hérétiques. En vif contraste avec la grande majorité des clercs de son époque, il défend la cause des femmes et célèbre leurs mérites dans le domaine spirituel. Pour faire passer son message, Pérégrin d’Opole ménage à ses auditeurs et à ses lecteurs de précieuses échappées sur la vie quotidienne, la société, la justice et le champ politique. Il dresse ainsi, au fil de ses sermons, face à la cathédrale de pierre des architectes, une cathédrale mentale faite de citations bibliques, de variations allégoriques, de récits exemplaires et d’observations empiriques. Quoique moins grandiose, sa cosmovision supporte la comparaison avec « l’idéologie sociale complète » et la « mise en ordre générale de la société » échafaudées à la même époque par les dominicains et la cour angevine de Naples.