Pour mieux connaître le pays où je vis, j'ai voulu traverser à pied le Périgord vert, depuis Varaignes jusqu'à Brantôme, en suivant par des chemins écartés les cours du Bandiat et de la Dronne, ambition plus modeste, même pour un marcheur d'occasion, que ne le suggère son énoncé, car le départ et l'arrivée ne sont pas éloignés de plus de 50 km, distance qu'un soldat de l'Empire couvrait dans la journée. À la marche forcée, j'ai préféré la promenade et même la flânerie, c'est-à-dire le moyen de découvrir des endroits invisibles depuis les routes, des retraites insoupçonnées, des paysages préservés à l'abri des voies tracées pour la hâte et pour le nombre, et de s'y ménager à volonté des haltes, dans une perspective grandeur nature, non contractée par la vitesse, comme une distorsion de l'espace et du temps qu'on passe à le traverser. Outre le plaisir de sentir son corps progresser au rythme d'un pas qu'on est seul à régler et dans son élément véritable ; la terre, les arbres, le vent, le soleil ou la pluie, on rétablit ainsi un rapport avec l'étendue que les trains rapides, les avions et les divers bolides ont falsifié, en évitant deux calamités : l'automobile et les humains.