Petit lexique intranquille de la télévision
Dans mon métier, à vingt-cinq ans, on veut refaire le monde ; à quarante-cinq, on se contente d'essayer de limiter les dégâts ; après, on oublie le sacerdoce, on passe à autre chose. À moins que, dans le courrier du matin, après une émission, on lise : « Merci. Vous êtes un passeur de l'inutile, toujours à la barre, entêté comme un mulet ! »
Ce petit lexique intranquille parce qu'amoureux est une occasion de redonner un vécu. De l'écriture du journal à la suppression de la réclame à la télévision publique. Du « mieux-disant culturel » à l'honnête cynisme du « temps de cerveau humain disponible » pour une boisson gazeuse. De l'exaltation du direct à la sophistication des propagandes. Du téléspectateur-consommateur au journaliste bon vendeur. Du grand public à la ménagère de moins de cinquante ans. Du reportage au ronron du « tout info ». De l'onanisme de la présentation à la petite jouissance du scoop. De l'envie de nuire à la bêtise à la fabrique de l'illusion. De la souplesse d'échine au risque du terrain. Du luxe professionnel rare d'une émission au plaisir toujours renouvelé de la curiosité.
Il y a dans nos usines des restes d'utopie et d'idéal, pas mal de naïveté et de courage, beaucoup de subjectivité et de générosité, toujours de la passion.
Les adversités de la profession sont constituées en hordes sauvages. Le journalisme actuel est à réinventer qui a des allures d'espèce en voie de disparition.