"Au temps d'avant, avant tout ça, avant ce que je vais
raconter et le reste, c'était le bonheur, la vie sans
se l'expliquer. Si l'on me demandait "Comment
ça va ?" je répondais toujours "Ça va !". Du tac au tac. Le bonheur,
ça t'évite de réfléchir. C'est par la suite que je me suis
mis à considérer la question. À esquiver, à opiner vaguement
du chef. D'ailleurs, tout le pays s'y était mis. Les gens ne
répondaient plus que par "Ça va un peu". Parce que la vie ne
pouvait plus aller complètement bien après tout ce qui nous
était arrivé."
Avant, Gabriel faisait les quatre cents coups avec ses copains
dans leur coin de paradis. Et puis l'harmonie familiale s'est
disloquée en même temps que son «petit pays», le Burundi,
ce bout d'Afrique centrale brutalement malmené par
l'Histoire.
Plus tard, Gabriel fait revivre un monde à jamais perdu. Les
battements de coeur et les souffles coupés, les pensées profondes
et les rires déployés, le parfum de citronnelle, les termites
les jours d'orage, les jacarandas en fleur... L'enfance, son
infinie douceur, ses douleurs qui ne nous quittent jamais.